Notre-dame-de-lourde-créateur-francois-partie-01 et 2

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catégories» du péché d'hier à aujourd'hui.


catégories» du péché d'hier à aujourd'hui.

Dans la perspective d'une recherche sur le sens du péché aujourd'hui, il peut être intéressant de faire un tour d'horizon de la question du péché et des définitions que l'on peut lui donner, afin de saisir l'évolution qui s'est faite et se fait toujours depuis quelques décennies sur la perception du péché en Église. 

Pour ce faire, nous examinerons dans un premier temps quelques définitions proposées par deux versions catéchismes catholiques.

A- Le «petit» catéchisme.

Ces articles sont extraits du «Catéchisme des provinces ecclésiastique de Québec, de Montréal et d'Ottawa.» tel qu'approuvé en 1888 par les archevêques et évêques de ces provinces et publié par leur ordre (nouvelle édition de 1944): Pour les personnes qui sont peu familières avec ce type de «catéchisme», il nous faut préciser qu'il représentait à l'époque l'un des moyens privilégiés pour l'éducation religieuse et doctrinale des croyant(e)s. Il se présente ainsi sous la forme de questions et de réponses que les croyants(e)s étaient invité(e)s à apprendre par coeur et qui devaient constituer l'essentiel de la connaissance nécessaire aux laïcs. 

Chapitre sixième: Du péché et des différentes sortes de péchés. 

49- Qu'est-ce que le péché actuel? 

Le péché actuel est celui que l'on commet soi-même, de sa propre volonté, quand on est parvenu à l'âge de raison. 

50- Comment peut-on commettre le péché actuel? 

On peut commettre le péché actuel par pensées, par paroles, par actions, par omissions, volontaires et opposées à la loi de Dieu. 

51- Combiens y a-il de sortes de péchés actuels? 

[...] deux: le péché mortel et le péché véniel. 

52- Qu'est-ce que le péché mortel? 

Le péché mortel est le péché qui donne la mort à l'âme en lui ôtant la grace sanctifiante, en attirant la colère divine sur elle, et en la rendant digne des peines de l'enfer.

53- Quand est-ce qu'un péché est mortel? 

Un péché est mortel quand on désobéit à Dieu en matière grave, avec réflexion suffisante et plein consentement de la volonté. 

55- Qu'est-ce qu'un péché véniel? 

Un péché véniel est une désobéissance à Dieu, en matière légère, ou bien en matière grave, mais sans réflexion ou connaissance suffisante, ou sans un plein consentement de la volonté. 

56- Quelles sont les conséquences du péché véniel? 

Le péché véniel a pour effet d'affaiblir en nous la vie de la grâce, de diminuer l'amour de Dieu dans notre coeur, et de nous rendre dignes de peines temporelles en cette vie et en l'autre. 

57- Devons-nous craindre beaucoup le péché véniel? 

Oui, [...] parce qu'il offense Dieu et nous conduit souvent au péché mortel. 

58- Quels sont les principales sources du péché? 

L'orgueil, l'avarice, l'impureté, l'envie, la gourmandise, la colère et la paresse. On les appelle communément péchés capitaux.

 


B- Catéchisme de l'Église Catholique - 1992.

Cette version du catéchisme, beaucoup plus récente dans sa formulation et dans sa mentalité, constitue évidemment un certain progrès dans sa pédagogie, par rapport à la précédente. On observera donc une volonté certaine de se rapprocher des Écritures et l'abandon d'une formule visant à l'apprentissage de règles au profit d'une articulation plus complète de la réflexion. 

IV- La gravité du péché: péché mortel et véniel. 

No. 1854- Il convient d'apprécier les péchés selon leur gravité. Déjà perceptible dans l'Écriture, la distinction entre péché mortel et péché véniel s'est imposée dans la tradition de l'Église. L'expérience des hommes la corrobore. 

No. 1855- Le péché mortel détruit la charité dans le coeur de l'homme par une infraction grave à la Loi de Dieu; il détourne l'homme de Dieu, qui est sa fin ultime et sa béatitude en Lui préférant un bien inférieur. Le péché véniel laisse subsister la charité, même s'il l'offense et la blesse. 

No. 1856- Le péché mortel, attaquant en nous le principe vital qu'est la charité, nécessite une nouvelle initiative de la miséricorde de Dieu et une conversion du coeur qui s'accomplit normalement dans le cadre du sacrement de la Réconciliation. [...]. 

No. 1857- Pour qu'un péché soit mortel trois conditions sont ensemble requises: "Est péché mortel tout péché qui a pour objet une matière grave, et qui est commis en pleine conscience et de propos délibéré" (Thomas d'Aquin). 

No. 1858- La matière grave est précisée par les dix commandements selon la réponse de Jésus au jeune homme riche [...] (Mc 10,19)... (on parle d'une certaine échelle de valeurs au sein des péchés mortels. Ainsi, par exemple, un meurtre serait plus grave qu'un vol). 

No. 1859- Le péché mortel requiert pleine connaissance et entier consentement. (on parle de liberté, de choix personnel et d'opposition volontaire à la Loi de Dieu). 

No. 1860- L'ignorance involontaire peut diminuer sinon excuser l'imputabilité d'une faute grave. (Mais nul n'est supposé ignorer la Loi de Dieu qui est inscrite dans la conscience de tout homme). 

No. 1862 - On commet un péché véniel quand on observe pas dans une matière légère la mesure prescrite par la loi morale, ou bien quand on désobéit à la loi morale en matière grave mais sans pleine connaissance ou sans entier consentement. 

No. 1863- Le péché véniel affaiblit la charité; il traduit une affection désordonnée pour des bien créés; il empêche les progrès de l'âme dans l'exercice des vertus et pratique du bien moral; il mérite des peines temporelles. Le péché véniel délibéré et resté sans repentance nous dispose peu à peu à commettre le péché mortel. Cependant, le péché véniel ne nous rend pas contraires à la volonté et à l'amitié divine; il ne rompt pas l'alliance avec Dieu. Il est humainement réparable avec la grâce de Dieu [...]. 

Quelques commentaires concis.

On remarquera la profonde logique et une certaine pertinence dans les commentaires et prescriptions. Nul ne saurait affirmer que l'on se trompe complètement avec ces affirmations. On vise et on touche de profondes vérités. Non sans un certain nombre d'aberrations et de contradictions cependant, qui résultent davantage d'un durcissement des positions, d'un radicalisme malsain, d'une incompréhension ou d'un détournement de sens, que d'une erreur fondamentale. 

On notera quelques éléments importants me semble-t-il: 

La Sacrement de Réconciliation (pardon ou pénitence) tel que pratiqué dans l'Église catholique de rite latin n'est pas reconnu dans les églises protestantes. À cotoyer quelques amis protestants, je n'ai pas l'impression que la grâce du Seigneur (ou l'amour de Dieu) soit moins vivante en eux qu'en moi... 

La notion d'une Loi de Dieu inscrite dans le coeur ou la conscience de chacun (no.1860) vient de l'affirmation d'une "révélation naturelle" de la volonté divine. Ce principe, cher aux yeux de l'Église catholique, est largement contesté par la théologie protestante, non sans pertinence me semble-t-il. Débattre de cette question prendrait trop d'espace ici. 

On notera que l'affirmation du no. 1854 et assez prétentieuse. Les notions de péché "mortel" ou "véniel", ne sont pas aussi claire que cela ni dans l'Écriture, ni dans l'expérience des hommes... La Tradition, encore une fois, continue sa détestable habitude de se fonder sur elle-même et sur sa propre lecture des écritures et de l'expérience humaine, sans chercher ailleurs d'autres perspectives...

 


C- La réflexion théologique récente. 

On notera que cette réflexion théologique est totalement absente du Catéchisme de l'Église Catholique de 1992, alors qu'elle fait depuis plusieurs décennies partie de la réflexion des facultés de théologie morale. Voilà qui est absolument décevant et qui pourrait être qualifié de péché grave, à mon sens. 

Ainsi, cette réflexion récente nous propose de nouvelles catégories et définitions pour le péché. 

1) Le péché GRAVE est: 

- Un acte en contradiction avec le plan de salut de Dieu (contre l'humain, contre Dieu et contre le Christ). 

- Un acte qui exprime ou incarne l'option fondamentale de la personne humaine contre l'humanisation et la divinisation en Christ. 

- Différent d'un acte isolé ou accidentel (faiblesse passagère aussitôt regrettée). 

- Différent également d'un acte fait dans un contexte prolongé de perturbations profondes (exemple: maladies ou handicaps mentaux, dépression, délire, etc.). Peut-on ajouter un contexte de guerre ou de conflit dans cette catégorie? Je ne le sais pas... mais cela me semble logique. 

Le péché SÉRIEUX: 

- porte gravement atteinte à des valeurs importantes sur le plan de l'humanisation et de la divinisation de la personne. 

- est un acte soit accidentel ou isolé, soit fréquent mais situé dans un contexte de difficultés qui indique que ses actes n'engagent pas la liberté d'être mais se situent à un niveau plus périphérique. 

- ne constitue pas une rupture avec Dieu, mais il représente un handicap sérieux dans la marche de la personne humaine vers Dieu. 

Le péché LÉGER est: 

- une inconséquence morale qui n'implique pas une sérieuse atteinte à la divinisation et à l'humanisation de la personne. 

- situé davantage du côté du réflexe que du côté de l'acte décisif (librement posé).

 


D- La réflexion théologique d'avant-garde. 

On parle beaucoup moins, sans les abolir cependant, des catégories de péchés (véniels, mortels, ou encore graves, sérieux, légers). L'accent est mis sur une notion toute autre, déjà présente et sous-jascente aux catégories précédentes, qui est présentée comme étant fondamentalement intérieure et personnelle et comme étant difficile, sinon impossible, à déterminer de l'extérieur, sur simple examen de la conduite par exemple: celle de «l'option fondamentale». 

Qu'est-ce que l'option fondamentale? 

Disons, sans entrer dans les détails, que l'option fondamentale représente le choix fondamental de la personne humaine entre sa participation libre et personnelle au «plan de Salut» de Dieu pour l'humanité ou son rejet de ce même plan de Salut. 

C'est cette option fondamentale qui détermine la possibilité de salut pour la personne, alors que les gestes posés, quelques soient leur gravité ou leur importance aux yeux de la justice ou de la morale humaine, ne sont finalement que secondaires. 

Ainsi, les notions de péchés graves, mortels, véniels, sérieux ou légers ne servent plus qu'à guider l'action du croyant, alors qu'auparavant elles servaient plus ou moins de critères moraux pour évaluer la possibilité de salut. 

En fait, la seule personne qui puisse juger véritablement de son option fondamentale c'est la personne elle-même. Bien entendu, ses gestes et ses décisions portent témoignage également de son option fondamentale face aux hommes et aux femmes de ce monde, mais on laisse le jugement à celui qui est le seul juge: Dieu, jugement qui se fait "dans le secret des coeurs" pour reprendre une expression traditionnelle. 

On assiste ainsi à un détachement définitif de la justice et la morale humaines d'avec la justice divine... Un signe des temps... En contre-partie, il existe un danger évident de laxisme et de perte sur le plan moral qui est relatif à la difficulté de tracer une ligne de conduite générale, puisque la référence définitive est maintenant clairement et absolument identifiée comme personnelle. Tandis que les notions présentées en A, en B, et en C réussissaient fort (trop?) bien à tracer une telle ligne.

 


E - La notion de «péché social». 

Il s'agit d'une «découverte» quelque peu controversée de la théologie de la libération, qui a été reprise depuis par la théologie morale, plaçant cette notion de péché social à l'avant-scène de la réflexion sur le péché. 

La notion de «péché social» présente une nouvelle catégorie de péché, qui ne manque pas de pertinence. Elle présente la possibilité d'un péché collectif, où la responsabilité de l'individu n'est pas mise en cause immédiatement puisqu'il lui est impossible d'avoir un impact personnel suffisamment direct sur ce péché. 

On pourrait parler en quelque sorte de «péché structurel», puisqu'il provient de la structure même d'une société donnée qui engagerait plus ou moins fortement la personne dans la voie du péché, sans son consentement et parfois même sans qu'elle en ait conscience. On pourrait également parler d'une sorte «d'option fondamentale» de la société à laquelle appartient la personne humaine... option fondamentale qui identifie la société et ses choix comme étant soit en accord, soit en opposition avec la volonté divine (humanisation et divinisation de l'être humain et de la société). 

On remarquera que la controverse que cette notion suscite se porte surtout sur la possibilité d'une dé-responsabilisation de la personne en face du péché... controverse qui marque davantage une incompréhension de la dynamique du péché social qu'une critique solide à son endroit. 

Cette controverse nous éclaire cependant sur le fait qu'il ne faut pas négliger le fait que le «péché social» peut effectivement se lire comme résultant de péchés personnels, de décisions réfléchies et calculées de perpétuer l'injustice (réponse officielle du Vatican sur la question du péché social, «Reconcialatio et Paenitentia» - 1984). 

Mais il ne faut pas négliger non plus la possibilité qu'une structure puisse être mise en place sans que l'on puisse soupçonner ou prévoir les injustices qu'elles engendreront. Il y a évidemment péché, ou manque de justice, mais qui en est responsable? Personne et tous le monde en même temps: voilà le péché social! 

Ainsi, le péché social engage la responsabilité humaine dans la mesure où la situation se maintient grâce à l'inertie, à l'incurie et parfois même grâce à la complicité passive de ceux qui en profitent et qui ne font rien pour la modifier. 

Conclusion. 

Le mouvement actuel qui entoure la réflexion et les tentatives de définitions du péché et de sa nature présente deux tendances opposées. D'un côté, il existe une forte pression qui s'exerce dans le sens d'un légalisme dont l'institution semble avoir grand' peine à se débarrasser puisqu'il s'avère relativement facile à gérer et à enseigner. De l'autre, il existe une pression grandissante, qui semble impossible à réprimer puisqu'il correspond à la mentalité moderne, et qui s'exerce dans le sens d'un recours plus important au discernement personnel et communautaire en face du péché et de ses conséquences sur la personne et sur la société, sans pour autant renier l'essentiel: le péché existe bel et bien et il se déploie sous plusieurs formes, plus ou moins graves et plus ou moins perverses. 

Dans une période de transition historique comme celle que nous vivons, il me semble important de mettre l'accent sur le discernement personnel et collectif (en particulier sur le plan local) puisque c'est finalement de cette dynamique, plus souple puisqu'elle cherche d'abord et avant tout une éthique proche de la vie plutôt que l'établissement de règles morales absolues et codifiées qui peut à terme porter les meilleurs fruits. 

C'est cette réflexion éthique plus large, en définitive, qui permettra aux prochaines générations de théologiens et de théologiennes qui s'intéresseront à la morale, de définir pour leur époque une saine morale chrétienne, alors qu'il apparaît clairement aujourd'hui qu'une telle entreprise, menée trop rapidement alors que tout bouge autour de nous, ne peut que conduire au désastre. En effet, on tente alors presque désespérément d'appliquer une morale toujours en retard et donc toujours désuette, ce qui conduit inévitablement à son rejet systématique et, de fait, à un relativisme moral qui sied mal à la radicalité du message chrétien. On se condamne ainsi à l'inefficacité ou au silence, tandis que de l'autre côté on tente d'établir des points de repère qui pourrons mener vers une nouvelle synthèse de l'enseignement moral chrétien et catholique. Tout un défi à l'aube du XXIe siècle.


22/03/2011
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